Concert gratuit des cigales dans toute la Provence, tous les jours à partir de fin juin à début septembre
         
 
 
 
 


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La sortie de la brindille (extraits)

... Je suis à présent maintenue dans les airs, gigotant au-dessus du vide et coincée par mon abdomen. C'est la seule partie encore engoncée dans ce canal. Engoncée est le mot juste. C'est comme si quelqu'un me retenait par l'arrière-train dans cette branchette. Impossible de me dégager... mais comment ont-ils fait, les autres ? Tout en râlant et en me contorsionnant, d'un seul coup, je suis éjectée dans l'air. Est-ce Virginie qui... je ne le saurais jamais et peu m'importe.
Tel le pilote sautant de son avion en difficulté, je tombe. La chute est brève et inattendue ! Avant d'avoir pu toucher le sol, je sens une secousse suivie d'un balancement qui me fait tournoyer à l'image du parachutiste pris dans les arbres, ou mieux encore, comme une petite araignée qui s'arrêterait brusquement sur son fil... un fil trop court !
Bientôt le mouvement cesse. Je reste ainsi, accrochée à ma bretelle, suspendue en l'air... ridicule !
Moi qui partais à la conquête du monde, me voici retenue à mon cordon, comme un vulgaire pendule à la merci des caprices du vent. Remonter m’est impossible et de toutes façons cela ne me servirait à rien. Je ne peux ni ne veux revenir en arrière. Descendre ? je l'aurais bien voulu, mais comment ? lorsque vous êtes suspendue par l'arrière-train à une ficelle... parce qu'en plus, je suis accrochée la tête en bas. Je ne puis que me rendre à cette évidence idiote : le fil est trop court... c'est insensé !
Mais rien à faire, j'ai beau me démener et gesticuler, sans aucun effet. Le câble arrimé à la partie arrière de ma cuticule – dans laquelle je semble vissée – est trop solide. Tel un singe, pendu au bout de sa longue queue coincée dans une branche, je regarde avec envie le sol.
« J'aimerai tant essayer mes pattes ! »
Pendant que je me contorsionne dans tous les sens, un choc me fait tournoyer dans les airs comme une toupie. C'est Carlos qui poussé par le vent me percute violemment alors que j'étais entièrement absorbée à rouspéter contre cette mauvaise blague. Il me lance un tonitruant « bonjour » en passant. Il ne semble nullement inquiété par son cordon, ni par quoi que ce soit d'autre du reste. Ça l’amuse de se laisser ballotter ainsi. Peu de temps après, Virginie arrive de la même façon... sur sa balançoire. Et puis les autres viennent également. Ils sont tous là, ces minuscules insectes blancs, accrochés à leurs lianes comme au manège de la foire d'automne !
« Ouf ! je me sens rassurée. »
Je ne suis pas la seule. Etre pendue de la sorte n'a sans doute rien d'accidentel puisque les autres sont accrochés de la même manière. Ce doit être prévu par la nature.

C'est en effet de cette façon que les futures cigales raffermissent leurs petits corps, doux et fragiles, avant le rude choc avec le sol aride. Leur peau fine et délicate se raffermira au contact de l'air, et quand le moment sera venu, le lien se brisera. Elles apprécieront alors d'avoir la peau un peu durcie, quand viendra le moment d'affronter et de creuser la terre... rocailleuse et acérée !
Comme quoi, l'emballage et le déballage des bébés cigales demeure une science très complexe !