Des cigales en Alsace ?
Et pourquoi pas des poules
avec des dents ?
Contrairement aux idées reçues, la cigale ne chante
pas que dans le Midi de la France. Vous en trouverez notamment
en Alsace, en Lorraine, en Auvergne, en Picardie, dans le Poitou,
en Haute-Loire, dans l'Allier, dans le Puy de Dôme, le
Cantal, les Charentes... en gros, un peu partout en France.
Une étude d'envergure a également été
menée en Suisse où plusieurs centaines de spécimens
ont été identifiés par leur cymbalisation.

Ci-dessus, une cigale photographiée
le 18 juin 2011 par Marc Solari sur les hauteurs d'Altkirch
dans le Haut-Rhin, sur un talus plein sud .
« Lors d'une visite découverte de la biodiversité
(dans la carrière de la cimenterie d'Altkirch) nous avons
découvert cette cigale. La photo a été
prise sur un talus chaud et sec exposé sud ou l'on trouve
aussi de nombreuses mantes religieuses. L'espèce est
une Cicadeta brevipennis. Je l'avais relachée chez moi
faute de temps pour la ramener sur place, ce qui m'a permis
de l'entendre chanter le lendemain et donc de confirmer l'espèce
» nous informe Marc Solari.

Ci-dessus, encore une cigale
de l'espèce Cicadetta brevipennis, photographiée
par l'entomologiste Sylvain Hugel qui nous a gracieusement autorisé
à la publier. L'image a été prise en 2008
au Grasberg près de Bergheim, entre Sélestat et
Colmar. Un article sur le sujet, datant du 22 juillet 2008,
a d'ailleurs été publié dans les Dernières
Nouvelles d'Alsace. (Cliquez sur l'image pour agrandir la
cigale).
N'allez pas chercher la conséquence
du réchauffement climatique. Cela fait depuis plus de
100 ans que l'on sait qu'il existe des cigales dans ces régions.
A ce jour, il existe 3 espèces de cigales répertoriées
en Alsace. Il agit de :
– « Cicadetta montana » décrit par
Scopoli en 1772
– « Cicadetta brevipennis » décrit
par Fieber en 1876
– « Cicadetta cantilatrix » décrit
par Sueur et Puissant en 2007
Sylvain Hugel aidé
de son collègue Christophe Brua, tous deux membre de
la société
alsacienne d'entomologie, ont réalisé un travail
remarquable sur le sujet. On peut d'ailleurs consulter le résultat
de leurs travaux dans le bulletin de la société
d'entomologie de Mulhouse. « Cela a été
une surprise de voir qu'il n'y avait pas seulement une, mais
trois espèces de cigales en Alsace... sans compter que
Tibicina haematodes y existe peut être encore de manière
relictuelle. Elle serait à rechercher entre Rouffach
et Guebwiller. Concernant les 3 Cicadetta, elles sont petites
et discrètes. Leurs cymbalisations sont très aiguës.
Si elles sont audibles pour les jeunes, elles sont souvent inaudible
pour les plus âgés... et comme les entomologistes
sont rarement très jeunes, elles passent facilement inaperçues.
La solution pour les localiser est d'utiliser un détecteur
d'ultrasons du style Bat-Box, comme pour les chauves-souris.
Ces trois espèces sont actuellement non distinguables
par leur morphologie (plusieurs études sont en cours
pour essayer de trouver des critères morphologiques de
diagnose). La seule solution actuelle pour les distinguer est
d'analyser leur cymbalisation » précise Sylvain
Hugel, docteur au CNRS de Strasbourg.

Ci-dessus, une autre variété
de cigale, Tibicina haematodes, prise par Antoine André,
naturaliste. Il nous informe que :
« Après la Cigale des coteaux (Cicadetta brevipennis),
bien représentée dans le vignoble et les fruticées
des pelouses sèches calcicoles, c'est la Cigale rouge
(Tibicena haematodes) qui se manifeste en Alsace avec la découverte
de plusieurs individus sous le cagnard du week-end dernier à
Soultzmatt (28-30°C). Pour l'instant, je n'ai entendu Tibicina
haematodes que du côté de Soultzmatt. Contrairement
à la Cigale des coteaux que l'on peut qualifier de "cigalette"
en raison notamment de sa taille (< 20 mm) et de la discretion
de ses cymbalisations, la Cigale rouge fait partie des "vraies"
cigales que l'on rencontre, selon l'état actuel des connaissances,
dans la moitié sud de la France. L'espèce en question,
plus grande que nos traditionnelles cigalettes (entre 25 et
30 mm), affectionne particulièrement les arbres fruitiers
d'où elle émet ses puissantes cymbalisations.
Ces dernières sont audibles à plusieurs dizaines
de mètres (entre 50 et 100 m) : pour l'anecdote, 25 m
avec des fenêtres double vitrage...
Lors d'une sortie effectuée en fin de matinée
le 4 juin 2011, j'ai eu l'occasion d'entendre au moins 5 ind.
différents. L'espèce cymbalisait systématiquement
au sommet d'arbres fruitiers. Comme pour les autres espèces
de cigales, les journées ensoleillées, chaudes
et peu venteuses sont les plus favorables. D'une manière
générale, la plage horaire 10h-15h semble la plus
propice. Je l'ai néanmoins entendu le 11 juin sous un
ciel nuageux et une température de 22°C. Par contre,
je n'ai plus entendu l'espèce depuis plusieurs jours
et j'ai l'impression que la période d'activité
est terminée pour cette année ».

Ci-dessus, une autre cigale
de la même espèce (Cicadetta brevipennis) photographiée
par Serge Blanchet* dans les vignes, aux alentours de Colmar.
Cette photo a été prise à 18h le 23 juin
2007, dans le vignoble du Zinnkoepfle à Westhalten.
* Serge Blanchet est éleveur-animateur
au Vivarium
du moulin de Lautenbach-Zell (dans la région de Colmar
en Alsace). Ce naturaliste – qui s'occupe également
du jardin des insectes et des araignées – est aussi
guide nature au vivarium.
En sa compagnie – lors d'une sorties nature du vivarium
– j'ai pu voir s'envoler une cigale. Malheureusement je
n'ai pu l'entendre, mes oreilles étant déjà
un peu trop vieille, contrairement à ceux de Serge.

Ci-dessus encore, Cicadetta
brevipennis. Photo de Serge Blanchet, prise le 23 juin 2007
sur les landes du Zinnkoepfle. « Cette cigale était
dans un buisson, à l'ombre du feuillage. Il était
18h 45. Côté sud. Il y avait un mâle et une
femelle, mais je n'ai pas réussi à les photographier
ensemble, bien qu'ils soient entrés en contact »
expliquait-il.
Cliquez
ici pour entendre la stridulation de Cicadetta brevipennis
enregistrée au Soultzberg par Sylvain Hugel qui nous
a également autorisé à publier cette petite
séquence sonore. (Ce fichier fait quand même 900
ko)
Pour réduire la taille du fichier, la fréquence
d'échantillonnage a été réduite,
ce qui a eu pour conséquence de « filtrer »
le chant. La vraie fréquence est bien plus aiguë
que ce que l'on peut entendre sur cette séquence.
Où
et quand peut-on rencontrer ces cigales :
On trouve ces cigales dans le Haut-Rhin et dans le Bas-Rhin,
sur les collines calcaires sous-vosgiennes et dans la plaine
haut-rhinoise.
Par exemple au Grasberg, près de Bergheim dans le Haut-Rhin,
la densité d'imagos
était très élevée en 2006, avec
plusieurs centaines de mâles cymbalisant simultanément
et décollant de quelques mètres lorsqu'ils étaient
approchés.
Les membres de la société d'entomologie ont pu
également les voir dans le Bas-Rhin à :
Barr au Gutrentrain, Ottrott, Mutzig, Dorlisheim au Rippberg,
Dreispitz, Gresswiller au Würmberg, Obernai au Immerschenberg,
Dinsheim au Hungerberg et au Krapenhummel, Triembach-au-Val
au Breeg, Soultz-les-Bains, Dahlenheim au Soultzberg, Bergheim
au Grasberg...

Ci-dessus, Cicadetta brevipennis. Photo de Serge Blanchet, prise
également le 23 juin 2007 comme sur la photo précédente.
(cliquez sur l'image pour agrandir la cigale).
On peut également voir et entendre des cigales à
:
Turckheim au Brandeck, Ottmarsheim à la Grunhutte, Richwiller,
Appenwihr dans la forêt du Kastenwald, Munchouse Sud dans
la forêt de la Hardt, Roggenhouse, Rorschwihr au Grasberg...
Il est vrai que vous rencontrerez plus facilement des panneaux
indiquant la présence de cigales que les cigales elles-mêmes,
qui même dans le Sud sont difficiles à voir et
surtout à entendre. Ci-dessous, deux panneaux signalant
leur présence en Alsace
Le panneau de gauche est situé près de Guebwiller
(au Zinnkoepflé) et celui de droite au Grasberg, proche
de Colmar.
Les cigales chantent en général de début
mai à fin juin, le pic étant la première
quinzaine de juin.
L'écrivain Gérard Léser, historien-folkloriste
et passeur de légendes, nous rapporte que cet insecte
est appelé « Wiotter » en dialecte alsacien.
Entouré d'un groupe de promeneurs, il en a également
vu et entendu au Zinnkoepflé près de Westalten
et Soultzmatt.
Un
site scientifique vous permettra de différencier
une bonne partie des espèces de cigales existant en Europe.
Il suffit de cliquer sur l'un des liens ci-dessous. Certaines
espèces chantent à une fréquence très
élevée. Vous n'entendez aucun son ? Demandez donc
à votre petit fils... ou à votre chien ?
http://www.cicadasong.eu/tibicinidae.html
et aussi sur celui-ci
http://www.cicadasong.eu/cicadidae.html
On
peut aussi y rencontrer quelques cicadelles qui sont des insectes
homoptères tout comme la cigale. Elles se nourissent
également de la sève des végétaux
grâce à leur rostre. En revanche, c'est un insecte
sauteur comme une sauterelle et pas plus gros qu'un grain de
riz cuit. En plus, elle chante, mais elle est tellement petite
qu'aucune oreille humaine n'est capable de l'entendre. On trouve
les cicadelles un peu partout en France. C'est en général
tout petit, une cicadelle... mis à part quelques
exceptions.

Voici la photo d'une cicadelle (environ 3mm de long) du coté
de Westhalten en Alsace. Son museau trahit bien son appartenance
aux homoptères.
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