La ponte des œufs
Quand les journées
se raccourcissent, vers la fin de l’été,
il faudra que la femelle cherche un endroit pour y pondre ses
œufs. Il sera temps aussi de se préparer à
mourir. Aucune cigale, mâle ou femelle, ne subsistera
durant l’hiver, aucune ! Les cigales pondent dans les
végétaux les plus divers, vivants ou morts. Sur
les photos qui suivent, il s'agit d'un
asphodèle desséché.
Les trous, visibles à
droite, ont déjà été forés
par cette cigale (cicada orni), grâce à sa tarière.
La tarière d'une cigale est une sorte de double lime-scie
très acérée à son extrémité
et à l'intérieur de laquelle est logée
une sorte d’aiguille creuse, comme une seringue. Elle
est destinée à pondre et à injecter les
œufs à l'intérieur de la branchette. Cette
sorte de seringue part de l'abdomen où sont stockés
les ovaires. La tarière d'une cigale est une sorte de
perforateur très sophistiqué d'une dureté
à toute épreuve ; du moins pour percer les différentes
essences de bois que l’on rencontre ici. Bien entendu,
elle ne tourne pas... faut quand même pas pousser !
L'endroit idéal sera
le plus souvent la tige d'une plante ; une branchette morte
; un mûrier ; un
asphodèle desséché par le soleil ;
des végétaux de toutes sortes. Les brindilles
en tous genres se révèlent êtres des maternités
idéales pour les futurs bébés. Personne
ne viendra s'intéresser à des broussailles, en
particulier sèches et mortes, dans lesquelles la femelle
aura inoculé ses œufs.
Mais ce n'est pas une règle générale. Certaines
espèces pondent leurs œufs dans des végétaux
vivants, d'autres encore pondent volontairement la tête
en bas pour faire l'exception qui confirme la règle,
chacune selon son espèce et son éducation. Mais
toutes pondent à l'intérieur de rameaux divers.
Sur l'image ci-dessus, la cigale est en train de forer le
trou pour y pondre ses œufs. Les deux lames très
dures (qui composent la tarière) en frottant, attaquent
et incisent le bois à
la manière d'une gouge. À force de le gratter,
la brindille ne résistera pas bien longtemps et finira
par céder au bout d'une dizaine de minutes environ. C'est
quand même long, dix minutes de travail !
Ça y est. Le bois à
cédé. On voit bien la tarière sur la photo
ci-dessus, partant du milieu de son abdomen jusque dans la branchette.
Elle pourra alors enfoncer sa tarière pour y injecter
ses œufs.
Un dernier petit coup pour
s'assurer que tout est OK à l'intérieur de la
brindille.
On y va. Maintenant que le trou est foré, elle peut y
plonger son oviscapte ou ovipositeur – autre nom pour
désigner la tarière – bien au fond de la
brindille pour
y injecter sa descendance, à l'image d’une
infirmière faisant une piqûre dans le bras d'un
patient. Très appliquée, elle inocule environ
une dizaine d'œufs par trou, pas plus. Faudrait quand même
pas que ses futurs bébés se sentent à l'étroit
quand ils grandiront !
Sa besogne terminée,
elle retirera, avec une sage précaution, sa tarière
qui devra encore servir. Les filaments déchirés
de la plante se refermeront d'eux-mêmes, mettant ses œufs
tout frais pondus à l'abri. En effet, après le
passage de son outil, l'orifice de la
brindille en est tout hirsute et semble tout décoiffé
tant les lambeaux et les filaments du bois ont été
mis à rude épreuve. Un mini pétard sous
l'écorce
de la plante, aurait produit le même effet ! Son travail
a duré en tout, une vingtaine de minutes environ.
La cigale avancera d'un centimètre sur la brindille dans
la direction du soleil. Sans se fatiguer, elle s'arrêtera
et recommencera mon opération de forage, ainsi de suite,
tout au long de la journée. Pondre quelques 300 à
400 œufs n'est pas de tout repos.
... l'appareil reproducteur
des cigales femelles peut engendrer de 1500 à 2600 ovules.
Lors de la ponte, chaque ovule passe nécessairement au
milieu de l'ampoule séminale où, au plus tard,
un spermatozoïde le féconde et en fait un œuf.
Ainsi chez les cigales, la fécondation est obligatoire
*.
Voir cinq petites vidéos
de Cicada orni sur le sujet : la
première, la deuxième,
la troisième,
la quatrième
et la cinquième
Petite vidéo de Lyriste plebejus injectant ses œufs
dans
l'écorce d'un pin
* Michel Boulard (Vies et
mémoires de cigales)
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