La longue vie souterraine de la cigale
Quelques photos de nymphes
de cigales... sorties accidentellement de leurs galeries souterraines.
La nymphe – après 2 ou 10 ans de vie souterraine
– est le dernier stade avant sa métamorphose en
cigale adulte.
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Ci-dessus, une des nymphes croisée au détour
d'un couloir... en fait c'est ami, François Legras, qui
en creusant la terre avec une pioche les a rencontré.
Il les a donc embarqué dans sa bagnole pour venir me
les présenter.
Je n'ai pas résisté à faire poser ces jolies
petites nymphes pour une séance de casting. On voit clairement
que celle-ci n'en a rien à faire de mes photos, tout
ce qui l'intéresse c'est de creuser la terre pour s'y
enfouir à nouveau...
D'habitude très pacifique, il
vaut quand même mieux ne pas venir titiller une nymphe
dans son travail de forage. Gare aux griffes ! Remarquez les
pattes du milieu pour se retenir dans cette position bizarre.
Bon, ras le bol de
tout ce cirque, bonsoir tout le monde, je vais me refaire un
trou pour disparaître à la vue de tous ces gens.
Sur cette image (au-dessus) on distingue très bien les
fameuses pattes du milieu qui peuvent se tourner à l'envers.
Cette particularité lui sert – entre autres –
à retenir le plafond de sa mine avant qu'elle ne soit
«cimentée». On peut aussi voir les embryons
d'ailes. A quoi cela peut-il bien servir sous la terre ? Je
pense personnellement que c'est pour s'habituer à faire
travailler les muscles qui lui serviront un jour à voler
! Ce jour là, elle devra s'envoler d'un seul coup.
Dégager ces saloperie de
pierres, creuser ma galerie et salut la compagnie, je me re-barre
dans les profondeurs de la terre, d'ou je n'aurais jamais du
sortir !
Les larves sont aveugles
– à quoi bon la vue sous terre ? – mais elles
ont des poils sensoriels et de grosses antennes qui leur permettent
de s'y retrouver dans les ténèbres.
La
cigale va devoir passer entre 3 et 6 années ainsi enterrée.
Toutes ces années à creuser et à piocher
le sol dur et aride, sans voir le soleil ni le ciel ; dans l'obscurité
totale, avec pour seuls amis, sa solitude. C'est long !
En fait, elle ne pourrait pas trop se plaindre, comparée
à d’autres variétés de cigales. En
Amérique du Nord existe une espèce dénommée
«Tibicina septendecim»
qui doit rester jusqu'à dix-sept ans sous terre, avant
de voir le premier rayon de soleil. Dix-sept ans !
Celles ayant eu la chance de vivre à l'intérieur
d’un sol riche en nourriture ne mettront que deux ou trois
années à en sortir et les plus malchanceuses –
celles vivant dans un environnement pauvre en racines –
devront attendre jusqu'à six ans avant de sortir à
la lumière... Il faut manger pour grandir, pour pouvoir
se développer, c'est la loi pour tout être vivant.
Les larves de cigales s'alimentent en suçant la sève
des racines. Pour cela, elles disposent d'un rostre, sorte de
longue paille très dure qu'elles plantent
dans les racines.
La future cigale sortira par la fente qu'on aperçoit
déjà sur son dos, juste derrière –
et entre – les deux yeux.
Pour
casser la roche ; desceller les pierres ; réduire en
poudre n'importe quelle matière, aucun problème.
Les pattes avant sont très efficaces. Pour pouvoir prendre
un bon appui, elle pousse sur ses membres postérieurs,
en se tenant, s'il le faut au plafond de la galerie, avec celles
du milieu, (voir illustration plus bas).
Chez les larves, les pattes centrales peuvent se tourner carrément
à l'envers, à cent quatre vingt degrés,
comme bon leur semble. C'est drôlement efficace pour soutenir
le dessus de la mine avant qu'elle ne soit cimentée.
Sous la terre, il lui faut excaver les morceaux de rocailles
se trouvant devant son nez. Jusqu'ici, pas de problème
avec ses deux mégas pinces de Tourteaux !
Le problème viendra se poser tout juste après
! Que faire des gravats ?
Les mineurs de fond sortent leurs déblais au dehors,
à l'aide d'un ascenseur ou d'un tapis roulant. La pauvrette
ne dispose de rien de semblable pour sortir ses déchets.
Que faire des restes et des cailloux ainsi amoncelés
?
Il faudrait leur aménager une place. Le seul endroit
sensé aurait été de les accumuler derrière
elle, mais c’est impensable. Même en les comprimant
le mieux possible, elle n'arriverait jamais à les tasser
aussi bien qu'à l'origine. En outre, les entreposer derrière
son dos boucherait entièrement le conduit et rendrait
tout demi-tour impossible. Du reste, comme elle aura fragilisé
le tunnel en le creusant, sa friable galerie s'effondrerait
d'elle-même à chacun de ses mouvements. Elle s'ensevelirait
toute seule sous un monceau de terre. Que faire sinon pleurer
?
Ne riez pas et attendez la suite. Ses larmes à elles
seules pourraient presque résoudre ce problème
!
La petite larve utilise depuis un moment déjà,
son urine. Oui, vous avez bien entendu : son urine ! Mélangée
aux débris et à la terre excavée, cela
lui sert à fabriquer une sorte de mortier, avec lequel
elle cimente les parois de ses galeries. L’avantage ?
Les déblais prennent bien moins de place. De plus, en
tapissant les murs de sa mine fraîchement forée,
ça tient tout seul.
Pour étaler ce ciment sur les parois, rien de plus simple.
Tout en creusant, elle fabrique des petites boulettes de terre
qu'elle façonne à l'aide de ses pinces. Il suffit
de quelques contorsions et pressions de son corps pour étaler
cette pâte sur le pourtour du boyau, dont la taille correspond
à peu près à celle de son ventre. Son abdomen
élargira de lui-même le diamètre de ce tunnel
en y collant involontairement ce ciment. Secs, ces murs sont
relativement solides. Elle peut aller et venir à sa guise,
sans que ses mouvements fassent pleuvoir le moindre petit éboulis.
L'urine de la larve a l'avantage d'être fortement enrichie
d’une mucine. C’est une sorte de liant qui agglomère
la terre et les rocailles pour en faire un mortier «prêt
à l'emploi».
En réalité, l'urine des larves s'évacue
par l'arrière comme chez tous les insectes, mais par
un judicieux système de gouttières placées
sous son ventre, ce liquide arrive jusqu'à ses pattes
de devant.
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